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26 août 2010 4 26 /08 /août /2010 17:27

 

Princesse Jade,

intégrale du Chapitre 2,

deuxième partie

(titre provisoire)

 

 

http://img843.imageshack.us/img843/7721/httpwwwgogoallnetfondse.jpg

 

 

 

La soute était un endroit peu éclairé.

Dans la pénombre, Keen essaya de bouger.

Le bois de la caisse sur laquelle elle était montée craqua.

Elle fit la grimace.

Personne ne l’avait vu escalader la passerelle alors que celle-ci était presque entièrement relevée. A y repenser d’ailleurs, elle avait bien failli être coupée en deux. La jeune fille secoua la tête à cette idée.

L’appareil avait ensuite décollé tellement vite qu’en grimpant sur une caisse, elle avait été projetée de l’autre côté sur une autre caisse, plus basse.

Et maintenant, elle était coincée contre le mur.

A sa droite, un mur d’acier d’environ 5 centimètres, à sa gauche et devant elle, des caisses. Il y en avait partout.

Elle réussit à se hisser sur une première caisse.

De l’endroit où elle se trouvait, elle avait en vue toute la soute ou presque.

Elle remarqua des morceaux de bois éclatés par terre.

Fronçant les sourcils, elle se pencha.

Le salaud… murmura-t-elle.

A ses pieds, s’étalait un nombre considérable d’armes.

Armes de poing, arme blanche, il y avait de tout.

Elle reconnut les fusils laser spécifiquement utilisés par la Police Interplanétaire. Il devait y en avoir au moins une cinquantaine.

Corrigan trempait apparemment dans le trafique d’armes.

Des envies de meurtres l’effleurèrent.

Un bruit d’air comprimé se fit entendre, la faisant sursauter.

Elle se démena pour redescendre dans sa cachette sans faire de bruit, alors que le sas séparant la soute du reste du vaisseau s’ouvrait.

Keen était encore suspendue à la caisse, quand elle vit rentrer Corrigan et Boro.

Elle fit la grimace.

Si elle se lâchait maintenant, elle était sûre d’attirer leur attention.

Presque un mètre la séparait de l’autre caisse plus basse.

Elle se colla au bois et resta aussi immobile qu’un mort.

Les minutes passèrent et elle dut raffermir sa prise. Ses doigts, blanchis par l’effort, commençaient à lui faire mal.

Du coin de l’œil, elle vit passer les hommes sur sa gauche puis disparaître derrière les caisses qui se trouvaient devant elle.

Keen eut l’impression d’attendre des heures. Elle entendait leurs murmures, ils inspectaient tout. Il se doutait du piège.

Une douleur bien connue commença à affluer dans son bras, souvenir d’une épaule démise, en prison.

La jeune fille essaya de se concentrer sur sa prise, respirant lentement et faisant le vide dans sa tête. Quelques fois, elle y arrivait si bien qu’elle se retrouvait presque en transe, insensible à tout événement venant de l’extérieur.

Mais ce coup-ci, elle n’y arrivait pas. La douleur devenait trop forte et son corps en suspension, qui ne demandait qu’à redescendre, brouillait son esprit.

Se rendant soudain compte qu’elle avait retenue sa respiration trop longtemps, elle laissa échapper un gargouillis.

Les deux hommes avaient fini leur inspection et se dirigeaient vers la sortie.

Elle attendit le bruit d’air du sas, puis se lâcha.

Tombant lourdement sur la caisse, elle s’effondra sur les genoux, une main au sol.

La respiration saccadée, ­elle frotta son épaule, fit quelques moulinets du bras.

Mais la douleur persista.

Reprenant courage, elle reprit l’ascension de la caisse, avança prudemment dessus et se servit des caisses suivantes comme d’un escalier.

Arriver au sol, elle alla prudemment vers le sas. Collée contre le mur, elle ouvrit la porte. Le bruit la fit grincer des dents.

Espérant que personne n’était dans les parages, elle jeta un coup d’œil.

Vide.

« Ouf ! » pensa-t-elle. « Je vais peut-être y arriver finalement… ».

Le mal lancinant qui lui transperçait l’épaule lui rappela qu’elle devait se dépêcher.

Silencieusement, elle longea le couloir. Des néons grisâtres éclairaient doucement les murs, allongeant les ombres au maximum.

Elle arriva à une passerelle, monta les quelques marches qui résonnèrent d’un bruit métalliques.

Devant elle, une lourde porte.

« Un pare-feu » pensa-t-elle.

Elle était légèrement entrebâillée.

Keen essaya de jeter un coup d’œil, mais l’ouverture ne permettait pas grand-chose.

Keen entendit cependant des bribes de voix.

La lumière, plus vive de l’autre côté, laissait filtrer des ombres qui se déplaçaient.

La jeune fille souffla un bon coup et poussa la porte.

S’attendant à un énorme grincement, et à devoir faire face à ses ennemis, elle traversa plus vite qu’elle ne l’aurait souhaité… et s’étala par terre.

Elle réprima un grognement de mécontentement en regardant le seuil de la porte. Tout l’encadrement, de haut en bas, était fixé à la structure, de façon à laisser une sorte de marche unique qu’il fallait enjamber.

Et si on manquait la marche, il y avait de forte chance que l’on tombe comme Keen l’avait fait.

Et la porte ne grinçait pas.

La jeune fille se trouva chanceuse de ne pas avoir attiré l’attention des hommes.

Elle se remit d’aplomb avec souplesse et, toujours accroupie, regarda autour d’elle.

Derrière, un nouveau couloir s’enfonçait dans les entrailles du vaisseau. A sa gauche, une autre porte pare-feu, la même que celle qu’elle avait traversé. En face, la fin du couloir, trois marches en acier et une large passerelle qui donnait sur le poste de pilotage.

Keen choisit le passage qui, elle l’espérait, mènerait à quelque chose comme une infirmerie.

Elle se dépêcha de parcourir le long couloir avant de se faire repérer.

S’éloignant du poste de pilotage, le silence revint.

La jeune femme arriva bientôt en bout de courses. Le couloir se terminait en une sorte de petite aire hexagonale, munie de plusieurs portes.

Elle rentra dans la première, à sa gauche. L’armurerie.

« Raté ! » murmura-t-elle pour elle-même.

Elle ressortit, et tenta prudemment la porte suivante. Une chambre vide.

La petite pièce contenait des lits couchettes, un bureau dans un coin et un placard. Et pour l’instant, personne n’y vivait apparemment.

La troisième porte recélait une autre chambre, habitée celle-ci. Des vêtements étaient posés sur les fauteuils, le cabinet de toilette était entrouvert et le lit mal fait.

Keen pénétra plus avant, prenant soin de pousser la porte sans la refermer entièrement.

Cette pièce était plus grande que la précédente. Un grand bureau trônait au milieu.

Oubliant momentanément sa douleur, la jeune fille ne perdit pas une minute et commença à fouiller.

La plupart des tiroirs ne contenaient rien de très intéressant. Seulement de la paperasse de transactions.

Elle tomba ensuite sur un tiroir fermé à clé.

« Il y a toujours quelque chose d’intéressant dans ce genre de tiroir » pensa-t-elle.

Cherchant un moyen de l’ouvrir, elle se dirigea vers le cabinet de douche, espérant trouver un objet pouvant faire office de clé.

Ouvrant la petite porte, son regard fut de suite attiré par une dague, posée sur le rebord du lavabo.

Keen la reconnut immédiatement.

La lame étincelante, glissant aux pieds de Corrigan. Le regard du Commandant.

Keen revit la scène en pensée, et prit l’arme dans ses mains.

C’était une belle dague, avec un manche en métal sculpté, recouvert de feuilles d’abaragold.

L’abaragold était un arbre séculaire, issu d’une planète assez lointaine. On en tirait une essence particulièrement riche, qui servait à recouvrir des objets et des bijoux. Sa couleur gris perle très doux et sa rareté en faisait quelque chose de recherchée.

Mais la jeune fille ne comprenait pas ce que l’arme faisait là.

Tout en la soupesant, elle se retourna vers la chambre et l’observa.

Fronçant les sourcils, elle passa l’arme à sa ceinture, et se dirigea vers un des fauteuils, où étaient posés plusieurs vêtements. Elle les prit dans ses mains. La taille correspondait à celle de Corrigan. Ou peut-être Boro, ils avaient à peu près la même carrure.

La jeune fille ne put s’empêcher de porter le vêtement à son nez. Elle huma lentement l’odeur mâle particulière, et se retrouva propulser dans la ruelle, alors que Corrigan la maintenait contre le mur.

Elle ne pensait pas qu’un jour, elle se serait attachée à ce genre de détail, mais elle comprenait aujourd’hui qu’elle ne pourrait jamais oublier cette odeur.

Elle reposa doucement le vêtement et se tourna vers le bureau.

Si cette chambre était celle de Corrigan, le fameux tiroir fermé à clé devait recéler pas mal de choses intéressantes.

La jeune fille introduit la lame de sa dague dans la serrure et força.

Mais le tiroir tint bon et la lame commença à plier.

Enervée, Keen donna un coup violent et la serrure sauta. La dague était abîmée mais elle s’en fichait.

Elle balança l’arme et fouilla frénétiquement dans les papiers qu’elle trouva dans le compartiment bien rangé.

Je peux t’aider ?

La voix grave la fit sursauter.

Elle se releva d’un bon, les sens aux aguets.

Corrigan se tenait dans l’embrasure de la porte et l’observer tranquillement.

Il n’avait pas besoin de se faire de soucis puisque Keen était prise au piège dans la pièce, et il était sûr de pouvoir la maîtriser facilement.

Keen aussi savait qu’il pouvait la retenir aisément. Elle ne se faisait pas d’illusion.

Elle mis une main dans sa poche et appuya sur une petite boule pas plus grosse qu’une bille d’un pouce.

Corrigan décroisa les bras, prêt à tout éventualité.

Quand il vit Keen se pencher pour fouiller à nouveau dans ses papiers, son regard se plissa :

Laisse ces papiers, ça ne te concerne pas !

Ah oui ? Et ça ?! rétorque Keen, triomphante, en brandissant une feuille sur laquelle on pouvait visiblement lire Takle Vinch.

Elle s’apprêtait à parcourir le document lorsque Corrigan lui sauta dessus.

En à peine trois enjambées, il l’avait rejointe et essayait de lui arracher le papier.

Keen essaya de le repousser, mais il lui emprisonna la main, la ramenant dans son dos.

Bloquée, la jeune fille dut se cambrer pour essayer d’échapper à sa prise.

Rien n’y fit, Corrigan avait une poigne d’acier.

La douleur de son épaule se réveilla une nouvelle fois et Keen sentit son cœur s’emballer. Le souffle court, elle commençait à avoir du mal à retenir le Commandant.

Son bras droit prisonnier, elle tenta de jeter un coup d’œil au papier qu’elle tenait, poing serré, dans sa main gauche. Le document froissé trembla quand elle voulut desserrer la main.

Corrigan secoua la tête, lui faisant comprendre de ne pas insister.

Mais Keen était plus têtue que ça.

Dans sa tête, la scène semblait durer des heures. Pourtant, leur confrontation n’avait commencé que quelques minutes plus tôt.

 

Corrigan regarda la jeune fille.

« Elle ne flanchera pas » se dit-il

Il n’avait jamais connu une personne aussi obstinée dans la défaite.

Mais en vérité, il commençait à admirer sa persévérance.

Il tenait fermement sa main droite dans son dos. Les doigts serrés autour de son poignet gauche, il l’a força à lâcher prise.

Keen poussa un cri de douleur et ouvrit la main.

Le papier tomba comme au ralenti, telle une feuille portée par la brise.

Tout deux fixaient le document, conscient des informations cruciales qu’il contenait.

Corrigan se retourna enfin vers la fille qui le fixait le regard éperdu, les yeux pleins de haine et de questionnement. Une larme de sueur coula le long de sa tempe.

 

Lorsque la gouttelette descendit sur sa joue, Keen comprit qu’elle allait lâcher prise.

La douleur de son épaule devenait insupportable.

La jeune fille s’effondra dans le fauteuil derrière elle. Corrigan l’accompagne dans sa chute et se retrouva à califourchon sur elle. Il lâcha alors ses poignets et posa les mains sur les accoudoirs, de part et d’autre de ses hanches.

Keen voulut se redresser, mais il la dominait de toute sa taille, l’empêchant de se relever. Elle n’eut d’autre choix que de rester affalée, la tête à mi-hauteur de dossier, les jambes et une partie des fesses dans le vide.

La jeune fille soupira et se frotta les yeux pour se donner contenance et réfléchir.

Que pouvait-elle bien faire, maintenant ?

Corrigan lui ôta les mots de la bouche :

Qu’est-ce que je vais faire de toi ? murmura-t-il toute en la fixant de ses yeux noisettes.

Keen remarqua les petits éclats dorés qui pétillaient dans son regard.

M’amener à l’infirmerie ? proposa-t-elle, culottée. Je suis blessée. Vous ne laisseriez pas une pauvre jeune femme sans soin ?

Corrigan aurait ri de son audace s’il ne connaissait pas son côté « prête à tout ».

Il attrapa son transcon, fixé à sa ceinture et le porta à sa bouche.

Boro ?

Un grésillement se fit entendre en réponse puis :

Oui ?

Keen reconnut la voix grave et rocailleuse du chasseur de prime.

Va à l’infirmerie et ramène-moi…?

Corrigan leva la tête vers Keen, attendant qu’elle lui donne le nom du médicament dont elle avait besoin.

De la Paradone, répondit-elle en bougonnant.

… de la Paradone, répéta le Commandant dans son transmetteur. Dans ma cabine.

Un problème ? voulut savoir Boro.

Aucun, articula clairement Corrigan avant de ranger son transcon.

Le temps passa sans qu’aucun d’eux ne bouge, se fixant toujours d’un regard tantôt haineux, tantôt agacé.

Keen ne put s’empêcher de faire rouler son épaule pour dissiper la douleur.

Corrigan l’observa, se demandant de quoi elle souffrait, puis recula.

La jeune fille put enfin se redresser entièrement dans le fauteuil.

Elle pensa un instant aux vêtements froissés sous ses fesses, puis décida que ce genre de détails n’était pas vraiment important vu la situation actuelle.

Le Commandant, quant à lui, s’était s’assit sur le bureau qui se trouvait juste derrière lui, mais il gardait les pieds posés sur le fauteuil de part et d’autre de Keen pour l’empêcher de s’échapper.

A le voir encore les bras croisés, la jeune fille se demanda si ce n’était pas sa position préférée.

Boro interrompit ses pensées.

Voyez-vous ça ! s’exclama-t-il lentement. Nous avons une invitée…

Et quelle invitée ! lança Corrigan

Boro donna une petite trousse à Corrigan.

Je ne suis pas blessée, répliqua l’autre.

Son ami fronça les sourcils. Corrigan montra Keen de la tête. Bora la regarda étonné.

Oui bon, ça va… la pauvre petite fille blessée voudrait son médicament, lança-t-elle avec humeur.

Elle arracha la sacoche des mains de Boro et inspecta le contenu.

Elle jura en constatant que le produit se présentait sous la forme de liquide à injecter via une seringue et pas avec un pistolet hypodermique.

Au lieu d'administrer le produit n’importe où dans son corps, elle était obligée de piquer à l’endroit même de la douleur.

Se levant brusquement, elle bouscula Corrigan, qui se poussa de bonne grâce.

Elle déroula le petit sac sur le bureau et prit ce qu’il lui fallait.

Elle enfonça l’aiguille dans la petite fiole et aspira soigneusement le produit transparent.

Complètement absorber par ce qu’elle faisait, elle ne remarqua pas le regard de Corrigan qui l’observait avec insistance, ni celui de Boro qui fixer le Commandant en fronçant les sourcils.

Boro, une communication pour toi.

La voix de Deyl, dans son transcon, ramena Boro à la réalité. Il hésita à s’en aller.

Corrigan lui fit un signe de tête et finalement il s’en alla.

Le silence revenu, le regard du Commandant revint sur Keen qui relevait la manche déjà courte de son t-shirt.

Elle tira dessus tant qu’elle put mais ne réussit pas à dégager la partie douloureuse, qui se situait plus bas dans son dos, au niveau de l’omoplate.

Elle jura et laissa retomber sa manche en prenant une grande inspiration.

Une main tendue rentra dans son champ de vision.

Corrigan lui faisait signe de lui donner la seringue. La jeune femme hésita.

Je vais le faire, insista-il, à moins que tu ne préfère continuer à souffrir…?

Keen marmonna et lui tendit l’instrument.

Ou dois-je piquer ? demanda Corrigan qui se tenait maintenant derrière elle.

Ici, répondit Keen en désignant un endroit bien précis du bout des doigts.

Puis elle remonta à nouveau sa manche.

Tss tss, je ne peux pas piquer. Il faudrait que tu enlèves…

Il laissa sa phrase en suspend. Keen comprenait très bien.

En soupirant, elle s’exécuta, soulevant la partie droite de son t-shirt.

Elle prit tout de même soin de ne pas trop se dévêtir.

 

Corrigan trouvait la situation presque cocasse.

Cette fille les braquait il y encore quelques jours, blessait Boro.

Et le voilà en train de la soigner.

Il secoua la tête.

Quelle importance ?

Elle cherchait Takle Vinch, et n’était pas prête à abandonner.

Et lui ne divulguerait aucune information sur le sujet.

Ils se trouvaient tous les deux dans une impasse.

Il lui restait aussi la solution de la rendre aux autorités pour qu’elle soit réincarcérée sur Gefan II.

Keen releva son vêtement.

Corrigan écarquilla les yeux mais ne fit aucun commentaire.

La petite portion de dos dégagé montrait plusieurs petites cicatrices.

Son estomac se noua.

Il avait connu pas mal de femme dans sa vie, dont certaines avec qui il avait partagé plus qu’un regard.

Il avait caressé des corps doux, des corps musclés, certain aussi fins que d’autres étaient pulpeux. Mais il n’avait jamais touché un corps couvert de cicatrice, un corps qui avait souffert dans sa chair.

Il posa sa main gauche bien à plat sur l’omoplate pour l’empêcher de bouger.

Sous ses doigts, il sentit la rugosité de certaines cicatrices. D’autres avaient presque disparu et ne laissaient qu’une petite trace blanche.

Sans en avoir vraiment conscience, son pouce effectua un petit mouvement, comme une caresse.

Keen se raidit et Corrigan revint à la réalité.

Il piqua entre ses doigts et appuya sur le piston.

La jeune fille se crispa un instant, puis, lorsque le produit se diffusa dans son épaule, elle se décontracta doucement.

Elle prit une grande inspiration

La douleur commençait à s’atténuer. L’avantage de ce médicament était sa rapidité d’action.

Elle remit sa manche, alors que Corrigan déposait la seringue sur le bureau.

Qu’allait-il se passer maintenant ?

Tout deux restaient dans l’expectative.

Corrigan ne voulait pas la rendre aux autorités. La savoir enfermée sur Gefan, à subir dieu sait quelle violence le rebutait.

La garder avec lui dans le vaisseau ?

Prisonnière.

Il secoua la tête. Elle serait bien capable de lui causer une tonne d’ennuis, rien que par sa présence.

Boro interrompit ses pensées.

Je dois partir, dit-il essoufflé. Quelqu’un à récupérer vers Halcon. Je te débarrasse d’elle ? ajouta-t-il sans montrer le moindre signe d’émotion.

Où dans Halcon? s’enquit le Commandant sans répondre à la deuxième question.

Sur Hali…

Corrigan hocha la tête.

On t’accompagne, j’ai des… amis à voir là-bas.

Comme tu veux, rétorqua Boro qui n’était pas du genre à demander des explications.

 

 

Keen essaya encore de se détacher.

Rien à faire.

Elle pesta contre sa faiblesse.

Une simple corde suffisait à la maintenir clouée au pied du lit de Corrigan.

Encore heureux qu’il ne soit pas là, elle l’aurait invectivé aussi crûment qu’un meneur de Banshei.

Elle s’assit sur le lit pour réfléchir. De toute façon, Lahti ne devrait pas tarder à arriver.

« Pourvu que la balise soit encore en marche » pensa la jeune fille.

Corrigan l’avait confisqué, ainsi que la plupart de ses affaires : la dague, son arme, même sa ceinture !

« Il pense que je vais me suspendre par la fenêtre pour m’échapper, ou quoi ?! »

Keen soupira et s’allongea en travers du lit.

Elle était fatiguée. Depuis sa sortie de prison, elle n’avait fait que courir. Rester sur ses gardes à tout moment, échapper aux chasseurs de prime étaient épuisant.

La question sur les raisons de cette quête revenait sans cesse.

Elle cherchait son père, certes. C’était une chose honorable. Mais depuis qu’elle avait commencé, quelque chose avait changé. Les données n’étaient plus les mêmes. Elle avait quitté sa terre natale, renier tous ses principes, tué des hommes pour en arriver là.

Elle avait changé. Elle n’était plus la petite fille innocente partie à l’aventure dans l’espoir de retrouver une figure paternelle toujours présente dans son cœur.

Elle s’était endurcie, était devenue une autre. Une personne plus dure, prête à faire face à n’importe quelle situation dangereuse. Une personne prête à tuer pour arriver à ses fins.

« Est-ce que je tuerais Corrigan si je le devais ? » se demanda-t-elle en fixant le plafond.

Elle ne trouva pas la réponse à cette question. Elle savait en être capable, maintenant le tout était de savoir si elle en avait envie.

Cette quête n’était-elle pas vaine après tout ?

Son père était peut-être mort depuis longtemps. Le vaisseau qu’il pilotait avait disparu depuis si longtemps maintenant.

Mais Keen se remémora aussi les rapports de l’armée. Certaines explications n’étaient pas claires, voire fausses. Et quand elle avait demandé plus d’informations, on l’avait viré comme une malpropre, alors qu’elle avait servi pendant cinq et que ses états de service étaient impeccables.

Tout le monde lui avait tourné le dos. Elle n’avait même pas réussi à trouver un travail honnête. Tout le monde la refusait. Et Keen sentait le spectre de l’armée là-dessous.

Elle avait finalement dégoté un moyen de subsistance : le marché noir.

Un marché florissant et en plein essor. Elle se contentait d’objets de moindre importance : quelques tissus, des babioles comme des vases ou des miroirs, ou même des vêtements.

Mais elle avait fini par attirer l’attention, et avant d’être arrêtée, elle avait mis les voiles.

Elle aurait pu recommencer sa vie sur une autre planète. Tout reprendre à zéro.

Mais il y avait eu ces types.

Aujourd’hui, elle était recherchée pour meurtre et elle n’était à l’abri sur aucune planète.

Avant de plonger dans le sommeil, la jeune fille se demanda si sa course éperdu à travers la galaxie n’était pas simplement un moyen de se venger de l’armée et de tous ceux qui l’avaient abandonné.

 

Un choc l’envoya valdinguer contre la rambarde du lit et accessoirement la réveilla en sursaut.

Keen se leva d’un bond.

La secousse était bien trop violente pour que ce soit un simple accident.

Si un astéroïde se promener dans le coin, le champ de protection du vaisseau l’aurait dévié avant l’impact.

Corrigan n’était pas du genre à voyager dans l’espace profond sans ses écrans étendus autour du vaisseau. L’endroit recélait trop d’inconnue et de danger et le Commandant était quelqu’un de prudent.

Keen entendit un battement régulier. Elle fit le tour du lit et posa sa main libre sur la paroi métallique faisant office de mur.

Sous ses doigts, elle sentit la cloison vibrer à chaque coup.

Son cœur se mit à battre la chamade. Quelque chose se passait. Et quelque chose d’important.

Elle se rappela soudain Lahti, qui devait venir la chercher.

Est-ce elle ?

Non, impossible.

Sa compagne n’était pas du genre à alpaguer un vaisseau en plein espace.

Cela comportait trop de risques.

Lahti attendrait le moment d’être à terre.

Keen colla son oreille contre la paroi. Elle ferma les yeux et essaya de distinguer quelque chose.

Le « boum » régulier, qui résonnait dans tout le vaisseau était accompagné d’un son qui ressemblait à un piétinement.

« Des bottes » se dit la jeune fille.

Elle prit une profonde inspiration et tira de toutes ses forces sur la corde.

Elle tira jusqu’à s’en déboiter le bras. Des marbrures rouges apparurent ses poignets, s’ajoutant aux brulures qu’elle s’était déjà faite en essayant de se détacher.

La jeune fille grimaça et tapa du pied.

Il fallait absolument qu’elle sorte de ce traquenard. Ca sentait les ennuis à plein nez.

Elle essayait de tirer le lit, quand la porte s’ouvrit brusquement.

On s’en va ! lança Corrigan en s’approchant.

Avec un couteau, il libéra sa prisonnière qui se frotta le poignet.

C’est quoi ce boucan ? demanda-t-elle abruptement.

Des ennuis…

Le Commandant la tirait maintenant hors de la chambre à travers le dédale de couloirs du vaisseau.

Quel genre d’ennuis ? insista-elle

Si elle devait mourir aujourd’hui, elle voulait savoir pourquoi.

Le genre pirate, appareillage forcé et tout ce qui va avec ! répondit Corrigan, excédé.

Keen jura.

Elle craignait les pirates bien plus que Corrigan. Ils ne faisaient pas de cadeau. Ne gardaient pas de prisonniers vivants. Ils avaient la réputation d’être sans pitié.

Vous n’avez pas une navette de secours ? demanda-t-elle essoufflée.

Ils n’en finissaient pas de longer les couloirs à toute allure.

Le vaisseau était plus grand qu’elle ne le pensait.

Ils l’ont détruite.

Keen le regarda sans rien dire. Elle aimait son côté concis.

Et où va-t-on là ?

Elle avait quand même l’impression de se retrouver à la place de l’écolière, avec toutes ses questions.

Rejoindre une autre navette...

Hum…

La conversation s’arrêta là.

Ni l’un, ni l’autre n’avait envie d’épiloguer. Keen le suivit sans rien dire. Il était sa seule chance de survie.

Quelques minutes plus tard, ils débarquèrent dans la soute, par une entrée que Keen n’avait pas remarquée la fois précédente.

Corrigan s’assura que les pirates n’étaient pas arrivés jusque là et lui fit signe de le suivre.

Ils traversèrent la soute sans encombre.

Le Commandant se dirigea vers les armes amassées dans un coin. Il attrapa un fusil d’assaut dont il laça la lanière autour de son bras pour un meilleur maintient.

Une deuxième explosion retentit à l’avant du vaisseau. Toute la carlingue frémit. Keen crut à un tremblement de terre tant le sol devint instable.

Elle s’accroupit quelques instants. Corrigan se retint à une caisse. Silencieux, ils attendirent que le mouvement du vaisseau se stabilise.

Le calme revenu, Keen attrapa deux armes de poing. Une qu’elle passa à sa ceinture, et l’autre qu’elle arma, prête à servir.

En attendant le cliquetis de l’arme, Corrigan se retourna vers elle, son fusil pointé sur sa tête.

Du calme ! lança-t-elle en levant les bras. On est du même côté pour ce coup-là, non ?

Comme il ne répondait pas, elle insista :

Vous croyez peut-être que je vais vous tirer dans le dos, et me jeter dans leurs bras ?! Je serais égorgée avant d’avoir dit un mot !

Elle passa devant lui sans rien ajouter.

Hhhum…

Quoi encore ?! demanda Keen, excédée.

C’est par là…

Corrigan montrait du doigt un petit chemin entre les caisses à sa gauche. Keen haussa les épaules.

Après vous.

Son ton mielleux fit sourire Corrigan.

Les dames d’abord, répondit-il sur le même ton.

Le regard noir, Keen passa devant lui.

Ils avaient à peine fait dix pas que le trancon de Corrigan grésilla.

Je… Cor… va… je…

Le Commandant s’accroupit.

Boro ? C’est toi ? Je ne t’entends pas !

Il y eut des grésillements dans l’appareil.

Un genou à terre, Keen attendait.

Corrigan passa une main sur son front.

Par tous les Dieux, comment ai-je pu me faire avoir comme ça ?!

Il était furieux. Keen le comprenait et s’abstint de répondre.

Corrigan, tu m’entends ? Ils se rapprochent par le réacteur 2. Il faut décoller  tout de suite ! Où es-tu bon sang ?!

Je viens de sortir de la soute, je me dirige vers toi, répondit l’autre. Il faut…

A quelques mètres d’eux, une porte se désintégra sous le souffle d’une explosion.

Keen se protégea le visage juste à temps, mais le choc la projeta sur le côté. Elle heurta Corrigan et se retrouva à plat ventre.

La jeune fille eut l’impression que tout se déroulait au ralenti.

Les oreilles bouchées par l’explosion, elle tenta de se relever. Une main autour de sa taille l’y aida. Corrigan lui criait de courir, tout en portant le transcon à sa bouche.

La jeune fille reprit ses esprits et se mit à courir.

Fout le camp Boro ! Ne m’attends pas ! Dégage au plus vite !

Keen n’eut pas le temps d’entendre une quelconque réponse. Une salve de fusil résonna dans le couloir.

Corrigan tirait dans son dos, espérant retarder l’ennemi.

Il passa devant elle alors qu’ils arrivaient en vu de la soute.

 

Corrigan jura.

Ils étaient fait comme des rats.

Au moment de passer la porte, il essaya d’éviter les hommes devant lui.

Impossible. Il fonça dans le tas et en profita pour tirer encore une fois. Plusieurs hommes s’écroulèrent.

Il entendit une voix crier :

Je le veux vivant !!

Il eut juste le temps  d’apprécier l’ordre, avant de recevoir un coup de crosse sur la tempe qui l’assomma à moitié.

 

Keen était juste derrière Corrigan quand qu’il fonça sur l’ennemi.

L’idée qu’il était bien courageux flotta une fraction de seconde dans sa tête.

Mais c’était vain, elle le savait.

Plusieurs hommes se jetèrent sur lui pour l’empêcher de tirer une seconde fois.

Il reçu un coup de crosse monumentale à la tête et bascula en arrière, la faisant trébucher par la même occasion.

La jeune fille était abasourdie de voir le nombre d’hommes présents. Ils étaient au moins une vingtaine, rien que devant elle. Et elle entendait des coups de bottes résonner dans son dos.

Avant de se laisser submerger, elle tira sa seconde arme et ouvrit le feu à son tour.

Déçue de n’avoir blessé que deux hommes, elle s’apprêtait à refaire feu, quand une douleur fulgurante transperça dans son dos.

Elle fut projetée en avant sous l’impact et tomba sur Corrigan. Ce dernier la réceptionna de justesse.

L’agitation tomba d’un cran.

Keen et Corrigan, au sol, étaient désarmés. Tout autour d’eux, une foule d’hommes armés. Corrigan leva la tête pour les regarder.

Face à lui, un couloir se forma, les pirates se poussant, au fur et à mesure qu’un homme avançait.

Capitaine Corrigan ! Vous nous avez donné du fil à retordre, on peut dire.

Sa voix était douce et profonde, avec un accent prononcé.

L’homme, grand et mince, parlait lentement, comme s’il discutait lors d’un cocktail mondain.

Commandant. Je suis Commandant, corrigea Corrigan, reconnaissant Josua Smis.

Ce dernier émit un petit rire ironique.

On prend du grade et on n’informe pas les vieilles connaissances ?

Il y a certaines personnes qu’on préfère oublier.

Corrigan restait froid. Sous l’insulte, Josua perdit le sourire.

On a pourtant beaucoup de chose à se dire, susurra-t-il. Emmenez-le ! ordonna-t-il sèchement à ses hommes en levant une petite cravache d’un geste sec.

Deux hommes avaient empoigné Corrigan mais ce dernier résista.

Attendez !

Josua leva un sourcil.

Qu’allez-vous faire d’elle ? questionna le Commandant, en montrant Keen de la tête.

La jeune fille, recroquevillée par terre, n’avait pas bougé.

Je n’ai pas besoin de m’encombrer ! cracha Josua. Elle resta là, avec cette… épave.

D’un geste ample de la main, il montra le vaisseau.

Les hommes forcèrent Corrigan à avancer.

Ce n’est pas une bonne idée ! tenta-t-il de nouveau pour retarder l’échéance.

Josua, qui s’était déjà détourné de la scène, revint sur ses pas, excédé.

Il pointa sa cravache vers Corrigan.

Pourquoi ?!!

Parce que sa tête vaut bien plus que la mienne…

Josua haussa un sourcil étonné. Son visage était très expressif. A croire qu’il s’entrainait tous les jours devant un miroir.

Corrigan fixait son ennemi sans ciller.

Il ne pouvait pas laisser Keen ici. Le vaisseau serait laissé comme épave, dérivant dans l’espace profond. Il risquait de se désintégrer d’une minute à l’autre sans ses écrans de protection.

Et puis, avec sa blessure, elle se viderait de son sang dans peu de temps.

Très bien, embarquez-la !

Puis, fixant Corrigan d’un air menaçant :

Si elle ne rapporte pas assez, on s’en débarrassera quand même.

Trois hommes poussèrent le Commandant en avant.

Elle rapportera plus que tu ne peux l’imaginer… murmura-t-il sombrement.

 

à suivre...

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commentaires

K
<br /> <br /> J'aime beaucoup cette histoire! C'est original et bien écrit, les personnages ont du caractère. J'espère que tu continueras =)<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Merci beaucoup! (♥‿♥)<br /> <br /> <br /> J'espère bien, en effet, la finir un jour <br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Chronica
  • : J'ai 39 ans et ma passion, c'est l'écriture. À tel point que j'ai fait 4 ans de cours d'écriture. J'écris depuis que j'ai 18 ans. Voici ce que je propose dans ce blog: mes écrits, des conseils et méthodes d'écriture, un forum pour partager nos idées, des liens amis sur l'écriture et autres et des musiques d'inspiration pour écrire... Mon plus gros défaut: ne jamais terminer ce que je commence (-_-) Mes genres de prédilections: SF, Fantasy, thriller, policier et romance.
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